Nous sommes les cibles d’une guerre de l’attention !
Laurent Bouguennec – 06 octobre 2023
Lecture de 3 min
Un conflit qui remonte à la nuit des temps.
Un conflit dans lequel nous sommes tous impliqués à notre insu.
Un conflit dont l’intensité des opérations est en hausse constante.
Un conflit où nous sommes à tour de rôle assaillants et défenseurs.
Nous sommes dans une guerre de l’attention
Dès notre naissance, nous sommes biologiquement constitués pour attirer l’attention de nos parents pour subvenir à nos besoins (nourriture, chaleur, câlin…).
Notre arme initiale : Les pleurs et hurlements.
Et croyez-moi pour ceux qui n’ont pas d’enfant, c’est diablement efficace.
En vieillissant, nous continuons d’user de stratagèmes pour répondre à nos besoins fondamentaux.
Enfants, nous allons faire des c*nneries pour faire passer un message à nos parents.
Adultes, nous allons développer diverses stratégies pour créer des relations sociales et amoureuses.
Et pour éviter d’être annihilés par les autres, nous élaborons des défenses pour nous isoler et nous ressourcer : lire, méditer, nous promener dans la nature.
Mais notre sanctuaire à une faille qu’exploitent les mercenaires de cette guerre.
Les Blackwater et Wagner de l’attention : les marketeurs.
Déjà présent dans les rues de l’Égypte ancienne, leurs techniques se sont affinées au fil du temps, des évolutions technologiques et sociétales.
Sans le savoir, en installant chez soi et au bureau le téléphone, la télévision, internet et les smartphones, nous avons créé une faille qui s’agrandit.
Nous voilà (et moi le premier) devant notre télé ou le nez collé à notre smartphone à scroller non-stop à la merci de ces professionnels de la propagande.
Et comme si cela ne suffisait pas, en entreprise nous nous tirons une autre balle dans le pied.
Le cheval de Troie : Être Multitâche
Notre économie fonctionne au rythme de l’hymne des Daft Punk
« Work it harder, make it better
Do it faster, makes us stronger
More than ever, hour after hour
Work is never over »
Pour répondre à cet impératif du « toujours plus », les entreprises cherchent naturellement des stratégies pour augmenter leur productivité.
Normal et de bon sens.
Au niveau opérationnel, cela se traduit en autre par un besoin de polyvalence.
Mais, quand il y a confusion entre la polyvalence et être multitâche, la guerre de l’attention s’amplifie.
- Polyvalence : Faire différentes activités
- Multitâche : Faire à minima 2 activités en même temps
CLAC, le piège se referme.
Être multitâche implique des interruptions dans la tâche en cours de réalisation.
- DRING : un coup de téléphone
- DIT : Josiane sur votre gauche vous interrompt pour vous demander des explications sur une tâche à réaliser. Francis à votre droite en profite pour faire de même.
- DING : une notification sur votre PC vous annonce l’arrivée d’un nouvel email
Nous ne pouvons poser notre attention que sur un seul sujet à la fois.
Imaginez-vous en train d’installer un champ de mines en étant sans cesse interrompu. En finissant, vous réalisez que vous êtes au beau milieu.
Ces interruptions ont des conséquences néfastes.
Les travaux menés par Gloria Mark sur le sujet sont révélateurs. Lien 1 – Lien 2 – Lien 3
Afin de respecter nos engagements de délai et les normes de productivité, nous travaillons plus vite pour compenser les interruptions.
Cela engendre :
- de stress
- de frustration
- de charge mentale
- de pression temporelle
Et pour enfoncer le clou :
- de temps nécessaire pour reprendre une tâche interrompue (environ 25min)
Cela vous affecte dans votre rôle de manageur, tout comme l’ensemble de vos équipes.
Comment faire passer un message en réunion d’équipe quand l’un scroll sur son téléphone et l’autre surveille des opérations sur son pc ?
Comment dérouler sereinement un plan de test avec Marc qui hurle au téléphone en face ?
Comment traiter vos 86 opérations journalières quand on vous colle des réunions chaque jour ?
Dans ces conditions, vous n’avez aucune chance de travailler sereinement.
Comment réduire les pertes ?
Vous ne pouvez pas échapper à cette guerre de l’attention.
Autant apprendre à composer avec.
Je vous propose deux pistes à explorer pour vous et vos équipes.
1. Limiter les distractions autant que possible
Moins de distractions = Moins d’interruptions
- Désactivez les notifications de votre téléphone et de votre pc.
Supprimez les nuisances informatiques qui détournent votre attention de la tâche en cours.
- Prévenir ses collègues
Définissez un code qui permet aux autres de savoir quand ils peuvent vous solliciter et quand ils doivent patienter.
- S’isoler quand nécessaire
Changez d’environnement de travail (salle de réunion, télétravail) ou de conditions (port d’un casque anti-bruit ou avec de la musique).
- Rester focus en réunion
Pas de pc sauf pour la personne en charge du compte rendu qui à juste son traitement de texte ouvert.
Pas de téléphone pour rester concentrer sur le sujet de la réunion.
Rassurez-vous, si il y a une vraie urgence, quelqu’un viendra vous chercher.
2. Limiter la charge mentale
Libérer de la pression de temps en temps pour éviter l’explosion.
- Prévoir de vraies pauses
Rien de mieux pour faire redescendre la pression et ressourcer votre cerveau.
Vraie pause veut dire sans distraction (pas de téléphone, pas de livre…).
Promenez vous dans la nature par exemple ou encore plus simple, juste fermez vos yeux quelques minutes.
- Finaliser les tâches
Chaque tâche finalisée disparait de votre charge mentale.
- Brain dump
Si vous êtes interrompus, écrivez tous les sujets que vous avez à l’esprit pour les traiter ultérieurement.
Transmettez à ce support écrit votre charge mentale.
" Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. "
Patrick LE LAY
Une guerre propre, ça n’existe pas.
La souffrance est toujours au rendez-vous.
Pourtant, la reconnaitre et résister permet de se préserver des conséquences et à minima d’en limiter l’impact personnel.
Je vous invite à observer le nombre de fois où une influence extérieure vous vole votre attention et à quelle fréquence.
Vous serez surpris du résultat.
Gardez l’esprit critique
Bon weekend,
Laurent