Effet Dunning Kruger : COCO le perroquet

Laurent Bouguennec – 1 décembre 2023

Coco le perroquet

Lecture de 3 min

Plateau TV, radio, réseaux sociaux, dîner de famille, soirée entre amis, cafétéria, réunion… autant de lieux où sévit un fléau : l’ultracrépidarianisme

 

C’est quoi cette bête ?

C’est le comportement qui consiste à parler avec assurance de sujets que nous ne connaissons pas.

 

Quelques exemples pour rendre le concept plus concret :

  • Un urologue donne ses recommandations pour lutter contre une pandémie respiratoire,
  • Tonton relou, pilier de bar 2ème division, postillonne sa stratégie pour le prochain match,
  • Un manageur commercial explique comment élaborer un programme informatique,
  • Une personnalité politique parle de…(compléter comme vous voulez, n’importe quel sujet fonctionne).

 

Ce phénomène a été étudié par deux psychologues américains qui ont mis en évidence un biais cognitif auquel ils ont donné leurs noms : l’effet Dunning–Kruger.

Lorsque nous effleurons un nouveau sujet, nous pensons tout savoir, avoir tout compris.

Nous siégeons avec assurance au sommet du « mont Stupide ».

 

Quand nous faisons l’effort de commencer à creuser le sujet en question, nous réalisons petit à petit que nous sommes aux fraises.

Arrivés au fond de la « vallée de l’humilité », nous vacillions, écrasés par le poids du travail à réaliser pour monter en compétence.

 

En décidant de retrousser nos manches, notre compétence progresse conjointement à notre confiance en nous finir par se stabiliser sur le « plateau de consolidation ».

 

Dans ce premier article, je vais aborder une facette de ce biais, la partie excès de confiance.

De chauffeur à COCO

Connaissez-vous Max Planck, prix Nobel de physique en 1918 pour ses travaux sur la physique quantique ?

Et plus précisément son chauffeur ?

 

Un soir comme les autres où il conduisait Max Planck à une conférence qu’il donnait, ils se lancent le défi d’échanger leurs rôles.

Sur scène, le chauffeur donne la conférence à la perfection et répond même aux questions habituelles.

 

Jusqu’au moment où le public pose une question inédite.

Loin de se démonter, le chauffeur sur scène annonce qu’il s’agit d’une question élémentaire que même son chauffeur a la capacité de répondre.

Max Planck, dans son rôle, joue le jeu et répond.

La « connaissance du chauffeur », autre nom de l’effet Dunning-Kruger, vient de naître.

 

Je lui préfère le nom de « COCO le perroquet ».

Prêt à parader fièrement, montrant son plumage et répétant à qui veut l’entendre les dernières paroles enregistrées.

COCO, un oiseau dangereux

Dans un contexte de guerre de l’attention, la vulgarisation de sujets comme la science, l’économie, la politique… nous donne une connaissance de surface sur plein de sujets, mais la maîtrise d’aucun d’entre eux.

Nous pouvons avoir un wagon d’avance sur les autres et donner le change, nous n’aurons jamais le train complet.

 

Nos réflexions et prises de décisions sont influencées par des usurpateurs (dont nous-mêmes) ne mesurant pas la profondeur des problèmes, les connexions entre les sujets et la complexité de ce qui se passe.

 

Vous laisseriez-vous enlever l’appendicite par une personne ayant vu un tuto sur YouTube ?

Et pourtant quotidiennement c’est ce que nous vivons.

 

Nous laissons des cabinets de conseils venir parader et nous chanter de douces mélopées alors qu’ils ne connaissent pas la culture de notre entreprise, son histoire, ses process et les personnes en place.

COCO. Nous voilà influencés dans nos décisions.

 

Nous entendons vaguement parler du projet truc muche qui devrait démarrer.

COCO. Nous réalisons déjà des arbitrages budgétaires en lien.

 

Nous sommes séduits par de jolis carrousels qui synthétisent des informations sur la Communication Non Violente, l’Ennéagramme ou tout autre type de sujet.

COCO. Nous nous mettons à les utiliser sur nos équipes sans en comprendre les tenants et aboutissants.

 

Nous nous engageons dans une tâche, un projet, pensant avoir les connaissances et compétences pour les réaliser.

COCO. Nous voilà engagés dans une estimation de charge et de temps impossible à tenir.

 

Enivrés par la confiance de l’autre, ou la nôtre, COCO, nous agissons sur la base d’une simple opinion qui repose sur du sable.

Reçois les futurs articles par email

C’est tout simple, s’inscrire ici

Comment plumer COCO ?

Il y a une phrase magique à (se) dire : « je ne sais pas et je vais me renseigner ».

Être humble, quitter le « mont Stupide » et commencer à creuser le sujet.

 

Ça paraît simple comme ça, mais ne vous y trompez pas, c’est extrêmement difficile.

 

Notre dialogue intérieur s’enflamme :

« Mais on va penser que je suis nul et me rejeter », « Mais ils vont faire ce projet sans moi » …

Nos peurs de l’abandon et du rejet s’affolent et montent au taquet.

Nous vivons cette situation de non-maîtrise comme une vulnérabilité.

 

Être capable de dire : « je ne sais pas et je vais me renseigner » demande une confiance en l’autre et une juste connaissance de ses savoirs et compétences.

" Rien n’est plus dangereux qu’un demi-savoir. "

Cette phrase, je l’ai lue il y a plus de 10 ans.

Sur le coup, elle m’a marqué, mais je ne comprenais pas bien pourquoi.

Elle m’invitait à être curieux sur les sujets que je découvre, à rester humble et à me forger un avis.

 

Je vous invite à également réfléchir sur cette phrase et à passer en revue vos sujets du moment pour voir si COCO n’est pas en train de vous jouer un sale tour.

 

Et comme d’habitude, gardez l’esprit critique. 😉

 

Bon weekend,

Laurent

Retour en haut
Ouvrir Whatapps
Une question ?
Bonjour,
Comment je peux t'aider ?
Je te réponds dès que possible 👍