Être maître de ses pensées : La grande illusion

Laurent Bouguennec – 22 septembre 2023

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Lecture de 4 min

Jusqu’à mes 30 ans, je croyais dur comme fer prendre des décisions rationnelles.

Je me voyais comme un ordinateur sur pattes.

 

Normal après une bonne partie de ma jeunesse passée à participer à des compétions d’échecs.

Normal dans un système scolaire qui glorifie la capacité logico logique.

Normal dans une société où la technologie est en plein essor.

 

Quand j’y repense, je me rends compte à quel point ma pensée était erronée.

Si je pouvais remonter le temps à ma période collège, voici le message que je me donnerais :

 

« ÇA VA LE MELON, TU ARRIVES ENCORE À PASSER LES PORTES ?

OUVRE LES YEUX, TU ES UN ÊTRE HUMAIN AVEC SES FORCES ET SES FAIBLESSES ! »

Cette métaphore de voir notre cerveau comme un ordinateur est une c*nnerie dangereuse.

 

Au travers de cette image, nous idéalisons notre cerveau en le comparant à un ordinateur avec un fonctionnement de pure logique.

Mais nous oublions que le mot “bug” a été inventé pour les ordinateurs.

 

Daniel Kahneman, épaulé par Amos Tversky, a théorisé son fonctionnement sous forme de l’allégorie ci-dessous pour en simplifier la compréhension.

2 systèmes de pensée imparfaits

Système 1

Système par défaut qui traite sans effort les situations familières, routinières de manière rapide et automatique.

Les émotions, apprentissages passés et programmation héréditaire de l’espèce humaine, sur lesquels reposent notre intuition et l’instinct, sont principalement à la manœuvre.

Système 2

Système qui traite les situations inconnues, complexes ou nécessitant une réflexion, de manière lente, consciente et gourmande en énergie.

Notre capacité de réflexion est principalement à la manœuvre.

Et des bugs

Bien qu’opposés, ces 2 systèmes sont soumis à des bugs : Les biais cognitifs

 

Les biais cognitifs sont des raccourcis mentaux que nous avons tous et qui peuvent générer des erreurs de jugement et des erreurs dans nos prises de décisions :

 

  • Parfois utiles : Le réflexe de freiner quand la voiture de devant s’arrête brusquement
  • Parfois bénins : Un illusionniste qui vous fait croire que la pièce est dans sa main et vous la fait sortir de derrière l’oreille.
  • Parfois graves : Dans les années 70, Elf Aquitaine accuse de lourdes pertes financières après avoir financé une opération qui se révèle être une arnaque (détection de pétrole dans les sous-sols depuis un avion).

 

Et rien à faire, nous y sommes tous soumis, impossible de les éviter.

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Limiter les dégâts

Par contre nous pouvons nous défendre au moyen de 3 stratégies combinées :

  • Apprendre à les connaître,
  • Penser contre soi
  • S’ouvrir aux feedbacks

1. Apprendre à les connaître

À ce jour, environ 250 biais ont été identifiés.

Vous imaginez bien que je ne vais pas tous les énumérer 🤣

 

Je vous en propose un florilège que l’on rencontre régulièrement dans le monde professionnel :

 

  • Biais du survivant : Tendance à surévaluer les chances de succès d’une décision/initiative en concentrant notre attention uniquement sur ceux qui ont réussi plutôt que sur l’ensemble des cas représentatifs.

Exemple : Copier les méthodologies de projet d’une entreprise à succès en oubliant de regarder toutes celles qui les ont également implémentées et qui en paient les frais.

 

  • Biais de confirmation : Tendance à privilégier les informations venant confirmer nos idées, opinions et croyances existantes.

Exemple : Comme je crois en l’importance des échanges entre les personnes pour faire naître de nouvelle idée, je ne tiendrai pas compte du besoin individuel de se concentrer 

 

  • Biais d’autorité : Tendance à privilégier la parole d’une personne que nous considérons comme supérieure (rang hiérarchique, expert …).

Exemple : Un professeur, un manageur, nos parents…

 

  • Biais de confiance : Tendance à surestimer nos capacités et compétences réelles.

Exemple : Penser être meilleur conducteur que les autres

 

  • Biais d’ancrage : Tendance à être influencé par notre 1ère impression et avec la difficulté d’en sortir.

Exemple : J’ai visité les nouveaux bureaux, ils sont froids (sentiment qui va perdurer après le déménagement).

 

  • Biais d’aversion à la perte : Tendance à mettre deux fois plus d’énergie pour éviter une souffrance que d’aller chercher du plaisir.

Exemple : Courir à la pharmacie pour un antidouleur et oublier d’aller à la pharmacie chercher ses vitamines

 

  • Biais de simple exposition : Tendance à avoir un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose par la simple exposition répétée.

Exemple : Prendre aveuglément en compte les conseils de Cathy avec qui vous partagez un bureau depuis 2 ans.

 

  • Effet de similarité : Tendance à privilégier les personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, antécédents et expériences que nous. Phénomène aggravé par les réseaux sociaux qui nous propose des mises en relation avec nos cercles existants.

Exemple : Choisir un candidat, car il a fait une partie de ces études dans la même école que soi.

 

  • Biais d’engagement : Tendance à persister dans une idée ou une action même si les résultats tendent à montrer qu’il s’agit d’une erreur.

Exemple : Continuer à vouloir implémenter un nouvel outil malgré les problèmes conséquents identifiés.

 

  • Effet de gel : Tendance à maintenir ou répéter une décision passée même si les raisons de la décision ont évolué.

Exemple : Continuer de faire appel à un cabinet de conseil pour gérer les projets organisationnels alors que désormais les compétences en interne sont présentes et disponibles.

 

Connaitre les biais ne permet pas de les éviter. Mais cette connaissance est un prérequis aux 2 autres stratégies.

2. Penser contre soi

Que vous le vouliez ou non, votre système 1 vous propose une première idée, opinion ou décision.

Volontairement, vous pouvez challenger ce résultat en actionnant votre système 2 (en prenant un temps de réflexion).

 

Ne vous trompez pas, le système 2 n’est pas supérieur au système 1.

 

Imaginez un instant ne fonctionner qu’en système 2 :

  • Réfléchir pour tout, tout le temps. Ça serait l’enfer. Une analyse approximative reste souvent suffisante. Pensez aux réflexes qui peuvent vous sauver.
  • Se sentir invincible alors que nous portons une armure pleine de failles. Le système 2 est exposé aux erreurs de raisonnement, de logique et aux biais cognitifs.
  • Ouvrir un boulevard à l’immobilisme. Plus nous réfléchissons, plus il est difficile de passer à l’action.

 

Le système 2 permet de challenger le système 1.

Pour limiter le risque d’erreur : aborder le sujet avec un esprit critique permettant de clarifier ses idées, de se forger un avis ou de faire un choix éclairé.

3. S’ouvrir aux feedbacks

Comme une voiture, nous devons faire face à de nombreux angles morts.

Contrairement à elle, nous n’avons pas de rétroviseur nous permettant d’y pallier.

 

La solution vient de l’extérieur : par les feedbacks que peuvent nous donner des personnes de confiance.

« C’est marrant, mais tu ne m’as pas parlé de ce problème » – biais de confirmation possible

« Tu continues alors que tu n’arrêtes pas de te plaindre » – biais d’engagement possible

« C’est vrai que tu sentais bien ce candidat » – biais d’ancrage possible

 

Les feedbacks sont des signaux qui nous invitent à prendre un temps de réflexion et à penser contre nous-mêmes, contre notre 1ère impression.

" C’est idiot, je m’en rends compte, d’énoncer les choses de cette manière, d’autant qu’une intuition ne vaut pas certitude, par essence, mais justement il est des intuitions plus sûres que la vérité elle-même. "

Si la découverte de ces notions pique, c’est normal.

 

La prise de conscience de cette réalité a été pour moi, un séisme : L’ordinateur était cassé, me voilà redevenu humain.

Étourdi dans un 1er temps face à ma faiblesse, j’ai par la suite senti un soulagement me gagner.

 

Ce n’était pas moi qui étais défaillant, c’était mon manque de connaissance du fonctionnement de mon cerveau.

J’ai ainsi découvert comment réduire mon risque d’erreur.

 

Envie d’aller plus loin et d’éviter d’autres pièges ?

Voici quelques lectures que je vous conseille :

 

Bon weekend,

Laurent

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