La Constante macabre, stop au sacrifice inutile

Laurent Bouguennec – 29 mars 2024

Constante macabre

Lecture de 5 min

35 000, c’est le nombre moyen de choix que nous réalisons chaque jour (selon une étude réalisée par Lightspeed Research en 2017 sur 1500 personnes)

Pour absorber cette masse considérable, notre cerveau a mis en place des raccourcis comme les biais cognitifs ou les stéréotypes.

 

Dans cet article, je vais en aborder un de ses raccourcis qui brise des hommes et des femmes injustement : la constante macabre.

La constante macabre

Un programme automatique

Nous baignons dans une société individualiste et compétitive, au sens de rivalité et non d’émulation.

 

Dès l’école, c’est le règne du chacun pour soi ; c’est à celui qui aura la meilleure note, qui sera le premier.

Autant te dire que la collaboration n’est pas encouragée, voire parfois sanctionnée.

 

La fonction première de l’école est de former notre jeunesse et de sélectionner les « meilleurs » pour les amener à occuper les places de pouvoir au plus haut de la hiérarchie.

 

En découle une pression sociale invisible qui nous possède, telle une entité fantomatique.

À la manière d’une prophétie autoréalisatrice, nous agirons inconsciemment de façon à confirmer cette croyance, à obtenir le résultat prédéterminé.

 

Nous baignons collectivement dans cette croyance qu’il y a forcément dans un groupe de personnes des bons, des moyens et des mauvais.

Les 3 catégories sont réparties de la façon suivante :

  • 20 % de mauvais
  • 60 % de moyens
  • 20% de bons

 

André Antibi, dans son ouvrage « la constante macabre » nous le démontre dans le milieu scolaire.

Il a même poussé le test en confiant une classe composée uniquement de la crème de la crème à un professeur expérimenté.

Résultat en bout de course :

  • 20 % de mauvais
  • 60 % de moyens
  • 20% de bons

 

C’est la constante macabre, avec son corolaire de victimes.

Sur 100 % de bons élèves :

  • 60 % jugés à tort moyen perdent en confiance et en estime d’eux-mêmes.
  • 20 % jugés à tort mauvais sont broyés et leur futur mal engagé.

Quels liens avec le monde professionnel ?

Il en va ainsi des notations à l’école.

Il en va ainsi également dans le monde de l’entreprise.

 

Des salariés qui font correctement leur job se retrouvent mal jugés, voire broyés.

 

Une fois l’étiquette « bon, moyen ou mauvais » posée par une autorité, difficile d’en changer.

Et les 20 % étiquetés « mauvais » vont être infantilisés, subir une pression plus importante que les autres, et par la force des choses seront poussés à la faute.

Ce qui permettra d’ailleurs a posteriori de valider le jugement initial du poseur d’étiquettes.

« Je t’avais bien dit qu’il/elle était nul(le) ».

 

Cette répartition arbitraire est tellement ancrée dans nos modes de fonctionnement que nous ne l’interrogeons même plus.

Si demain un professeur venait à donner des notes entre 16 et 20 sur 20 à l’ensemble de sa classe, ses collègues lui tomberaient dessus, tout comme les parents d’élèves et les élèves eux-mêmes.

« Ce n’est pas possible ! »

« Y a forcément des bons et des mauvais »

« Mon enfant n’est pas comme les autres »

Si demain un conseil d’administration décidait de supprimer des postes et qu’il n’y avait pas une sélection de « mauvais » à éjecter sous le coude, les RH sauteraient en premier.

Si demain un manageur venait à dire à ses RH qu’il souhaite augmenter tous les membres de son équipe, car ils sont tous bons, il se ferait rembarrer.

J’ai déjà pris connaissance de consignes reçues par les manageurs pour la répartition de primes exceptionnelles dans leurs équipes allant dans ce sens :

  • 20 % de primes hautes
  • 60 % de primes moyennes
  • 20 % pas de prime

 

Pas étonnant d’avoir de l’absentéisme et du turnover dans ses équipes.

 

Attention, je ne jette pas la pierre aux RH ni aux manageurs qui agissent sans malveillance.

Ils sont sous emprise d’une croyance qui « semble » être une règle qui régit le système.

 

D’un point de vue global, il est évident que nous avons des niveaux de compétence différents et que par rapport à une norme nous pouvons être en dessous, dedans ou au-dessus.

Mais pour cela encore faut-il mesurer ce niveau correctement et éviter ainsi le facteur « constante macabre » qui a prédéfini les résultats.

Reçois les futurs articles par email

C’est tout simple, s’inscrire ici

Comment sortir de ce piège ?

Félicitations, si tu arrives à cet endroit de l’article, tu as fait le premier pas.

Prendre conscience de la constante macabre et de ses effets dévastateurs.

 

C’est la première des trois étapes, la deuxième est de changer de méthodologie d’évaluation.

Changer de méthodologie d’évaluation : Modèle EPCC adapté au monde de l’entreprise (évaluation par contrat de confiance)

1. La feuille de route

  • Définir en amont une liste exhaustive des objectifs (résultats, comportements et efforts) et des méthodes d’évaluation commune à tous les membres de l’équipe.

Dans cette liste exhaustive, poser les résultats minimum attendus.

Tu peux faire des catégories liées à l’ancienneté par exemple pour adapter les attentes à la séniorité dans un poste.

Exemples :

    • Produire quotidiennement entre 5 et 7 dossiers
    • Participer 1 à 2 fois par trimestre aux sessions de résolutions de problèmes
    • Proposer et suivre une formation par an

 

  • Partager cette liste commune lors de la fixation des objectifs

C’est le deal minimum clair et transparent attendu entre le manageur et les membres de son équipe.

 

  • Annoncer clairement le début de chaque plage d’observation afin de ne pas prendre les membres de l’équipe en traitre.

Est-ce une moyenne annuelle ? Un résultat à atteindre et maintenir après 6 mois …

 

  • Donner du feedback (lien) régulier tout au long de l’année pour accompagner chaque membre de l’équipe et les aider à atteindre leurs objectifs.

Encourager et aider chacun à identifier les points de blocages et à les dépasser.

Répartir équitablement son temps pour aider ceux qui le souhaitent et/ou qui en ont besoin afin de favoriser le succès de chacun

 

2. Ce que change ce nouveau paradigme

  • La constante macabre ne pourra plus s’appliquer.
  • Le travail de chacun sera reconnu à sa juste valeur.
    • Un salarié qui remplit ce minimum rentre dans les attentes.
    • Un salarié qui va au-delà est plus performant et peut bénéficier d’une reconnaissance de l’effort fourni selon la politique RH de l’entreprise
    • Un salarié qui ne les remplit pas sera en sous-performance et devra faire l’objet d’un point RH dédié. Comment travaille-t-il ? Est-il à la bonne place ?…
 

3. Quelques pièges à éviter

  • Définir les minimums standards attendus en prenant en référence les « Formules 1 » de votre équipe 👉  Définir les minimums standards attendus en prenant la valeur médiane de votre équipe.
  • Définir uniquement des minimums standards en termes de seuil, de valeur à dépasser 👉 Définir une plage de valeurs de « normalité » : la médiane + un écart type
  • Définir des objectifs qui en réalité sont des vœux au père Noël 👉 Définir des objectifs SMARTER
  • Pondérer, sans l’annoncer, la valeur de certains objectifs par rapport à d’autres 👉 Être au clair sur toutes les règles du jeu dès le départ.

Définir les sanctions liées à l’atteinte ou non des résultats

C’est la troisième étape, celle d’être au clair sur les conséquences des résultats obtenus.

 

Cela implique un travail en amont, d’un point de vue RH, de prise de décisions en termes d’évolution de poste, d’évolution financière… et cela, quels que soient les résultats.

Tu peux tout à fait réfléchir sur base d’une enveloppe fixe ou variable selon les résultats de l’entreprise.

Et l’annoncer en amont, donner les règles du jeu à tout à chacun.

Exemple : Pour celles et ceux supérieurs aux attentes, l’enveloppe de la prime sera de + 20 % à ceux juste dans la norme et de 0 % pour ceux en dessous.

" L’évaluation doit être formative, pas punitive. "

Pour ne pas « détruire » des collaborateurs qui font pourtant le job, il est important :

–     de prendre conscience de cette tendance mortifère qu’est la « constante macabre ».

–     de mettre en place des outils pour s’en prémunir.

 

C’est à portée de votre main et cela ne demande pas beaucoup d’effort.

 

Dans un contexte où le recrutement est compliqué, il est dommageable de se séparer de collaborateurs qui répondent vraiment aux attentes.

La découverte de la « constante macabre » a eu lieu dans le domaine de l’éducation et ce sujet commence à être pris en charge…lentement.

Le paquebot est lent à changer de cap.

 

Le monde de l’entreprise est lui plus réactif et à la chance de bénéficier d’outils déjà en place.

En changeant peu, tu peux éviter ce phénomène.

En changeant peu, tu peux conserver ce qui se révèle être de bons éléments.

En changeant peu, tu peux être plus juste et transparent dans l’évaluation de chacun.

 

Passe un bon weekend et garde l’esprit critique. 😉

 

Laurent

Autres articles

Retour en haut
Ouvrir Whatapps
Une question ?
Bonjour,
Comment je peux t'aider ?
Je te réponds dès que possible 👍